Le champion Cleangame est bien de retour. Il a remporté le Prix d’Été pour sa seconde fois consécutive après une année pourtant quasiment blanche de sorties. Il a défendu son titre en patron, avec ses jambes mais aussi sa tête et son cœur, sans doute diminué qu'il est depuis ses problèmes tendineux.
"Cleangame compense par son mental. Au lieu de gagner de quatre longueurs, il gagne d’une seule mais il gagne".
Jean-Michel Bazire
Il est populaire, a le sens du risque, le goût de la bagarre et de la victoire. Cette phrase pourrait s'adresser, à titre posthume et comme hommage à Jean-Paul Belmondo, mais elle va aussi comme un gant à Cleangame (Ouragan de Celland), auteur d'un come-back magnifique ce samedi à Vincennes. Le Magnifique, le Professionnel, autant de titres de Bébel que peut endosser sans faux semblant et imposture le meilleur hongre français actuel. Et sans doute même européen.
Jean-Michel Bazire a le point serré à l'arrivée. La démonstration pas si habituelle chez lui d'un immense plaisir. Celle d'avoir retrouvé son champion au plus haut niveau après les vicissitudes de la vie qui auraient pu l'éloigner définitivement des pistes. C'est ainsi qu'il nous explique : « Être privé d’un tel champion qui n’a pas beaucoup couru (57 fois avant cette sortie), ça faisait mal. On était tellement déçus l’an dernier quand Cleangame a connu son problème. Il n’a jamais boité mais il avait un petit trou dans un suspenseur. C’était frustrant. La convalescence a été longue et compliquée : cela a été pas mal jusqu’en janvier, pas bien au printemps, mieux en mai jusqu’à faire sa rentrée en août. Il était redevenu parfait même si, depuis deux jours, il n’est pas comme il y a une semaine [comprendre : moins bien]. Pourtant, sa jambe n’est pas pire. Mais j’ai toujours dit, s’il boîte, on ne l’entraîne pas, il ne court pas. Il faut le respecter au plus haut point. Il se donne tellement sur la piste. »
La bonne intuition : celle de faire parler la classe
C'est en patron que Cleangame a signé son doublé dans le Prix d’Été (Gr.2). Son partenaire nous a expliqué ne pas vouloir subir de fausse course et laisser donc les initiatives aux autres. Il nous déclare à ce sujet : « Aujourd’hui [lire samedi], je sentais qu’il fallait démarrer et sortir des rubans car, dans ces courses, on a quelquefois tendance à se regarder. Ensuite, j’ai avisé et ai pris la tête. À partir du dernier kilomètre, j’ai laissé glisser en progression. Aux 500 derniers mètres, encore plus. J’ai pris un risque dans les cent derniers mètres en lui demandant de s’allonger un peu plus car la menace se faisait pressante. Il l’a fait magnifiquement. »
Un champion doté d’un mental hors-norme
Sachant le cheval sans doute moins ces dernières heures qu’il y a quelques jours encore, le retour au meilleur niveau est bien l’œuvre d’un champion. Et c’est dans le versant du mental que Jean-Michel Bazire situe le cœur de l’exploit, nous déclarant : « Vous avez vu un cheval diminué mais doté d’un mental d’acier. Il fait partie des chevaux qui sont hors normes. Il est en acier trempé. J’ai la chance de l’entraîner mais j’ai eu mal à la tête ces trois derniers jours. C’est un champion qui est un peu diminué avec sa jambe mais qui était super bien, du point de vue condition. Merci à ma femme de m’avoir supporté car je n’ai pas toujours été agréable. J’en ai conscience. »
Jean-Pascal Bragato, propriétaire du vainqueur, avait également du mal à dissimuler son émotion. Lui aussi insistait sur la volonté exceptionnelle de son représentant et son goût de la victoire. Il a ainsi déclaré au micro d'Equidia : « Cela fait tellement plaisir de voir un plateau de si bons chevaux concourir ensemble pour la victoire. C’est magnifique. Retrouver un grand cheval comme Cleangame, cela fait très plaisir quand on sait le travail qu’il y a eu derrière et les soucis tendineux qu’il a eus. On se rend compte que ces cracks-là, quand ils se battent, ils vont sur le mal et ont quelque chose de plus que les autres. Ce qui est sûr, c’est qu’il a toujours envie de se battre. C’est un grand plaisir d’être autour d’un cheval comme cela. »
C'est le circuit des Grands Prix régionaux qu'évoque dorénavant Jean-Michel Bazire pour la suite du programme de Cleangame : « Si cela continue à aller, il va pouvoir courir plus souvent car je ne vais pas avoir besoin de le travailler [trop dur]. Je vais me renseigner sur la piste d’Amiens [pour le Grand Prix de la Fédération Nord]. Si elle est bonne, il ira à Amiens. Si j’ai un doute, il ira à Lyon [Grand Prix du Centre-Est] et à Beaumont-de-Lomagne [Grand Prix du Sud-Ouest]. »
Cette victoire de Cleangame conforte la mainmise de Jean-Michel Bazire sur le palmarès du Prix d’Été. Il en est à son septième titre et remporte ici une cinquième victoire lors des six dernières éditions. Seul Propulsion (Muscle Hill) s'est invité sur la plus haute marche du podium de l'édition 2019, sachant que Cleangame était cette année-là en position de s'imposer avant de se mettre à la faute.
Au-delà du succès de Cleangame, c'est un triomphe "Bazire" qui marque cette édition 2021 du Prix d’Été. L'entraîneur monopolise le podium, plaçant sur les autres marches Davidson du Pont (Pacha du Pont) et Dorgos de Guez (Romcok de Guez). En imposant un rythme tout en progression (1'13'7 aux 1.500 derniers mètres ; 1'12''8 aux 1.000 derniers mètres ; 1'12''5 aux 500 derniers mètres), Cleangame a empêché tout retour inattendu. Ses compagnons d'entraînement, qui ont aussi été ses compagnons de route, voyageant juste derrière lui, n'ont eu qu'à tenir en respect la pression finale de Feliciano (Ready Cash), le seul à vraiment être en mesure de les mettre en danger. Le chrono final d'1'11''7 du vainqueur est tout à fait respectable même s'il n'atteint pas le niveau record du premier opus de Cleangame dans cette épreuve, remporté en 1'11''0.